Combien d’alcool avez-vous bu hier soir ? Vous ne vous en souvenez pas exactement ? La seule chose qui est certaine, c’est que vous avez bu bien plus que ce que vous vouliez. Encore une fois.
Alors, pourquoi avez-vous tendance à boire excessivement ? Est-ce juste que vous vous laissez emporter par l’instant, et finissez par arrêter de compter ? Ou que vous êtes faible et ne savez tout simplement pas dire non ? Est-ce de votre faute ? Qu’est ce qui cloche chez vous ? Serait-ce un symptôme de l’alcoolisme ?
En fait, il y a deux raisons très précises pour lesquelles on a tendance à trop boire et l’on doit faire preuve de volonté pour limiter sa consommation, et ces raisons s’appliquent à tout le monde sans exception. Rassurez-vous : il n’y a rien qui cloche chez vous, et cela ne signifie pas forcément que vous êtes alcoolique ! La première raison est liée à deux effets spécifiques de l’alcool, qui suivent leur cours sur deux durées différentes : d’une part la détente de l’esprit, et d’autre part l’ivresse du corps, cette dernière étant liée à la réaction physiologique de l’organisme à l’alcool. Prenons les deux dans l’ordre.
Détente de l’esprit et ivresse du corps
La raison la plus courante pour laquelle on boit un verre est l’effet relaxant et réconfortant de l’alcool, qui est un anesthésique ; en effet, il anesthésie certains sentiments (la fatigue, le stress, la douleur, le malaise) et par conséquent, on a tendance à se sentir désinhibé après un verre. Mais bien sûr, les effets dépresseurs ou anesthésiants n’agissent pas seulement sur l’esprit, qui est détendu, ils affectent également le reste du corps, qui ne se coordonne plus aussi facilement, et dont le rythme ralentit.
La plupart des gens pensent que la détente mentale et l’ivresse physique vont de pair, qu’ils font partie intégrante du même processus. En réalité, ce n’est pas le cas. L’ivresse du corps et la détente de l’esprit suivent leur cours sur des durées différentes.
Prenons un exemple : après une soirée de forte consommation d’alcool, de nombreuses personnes reçoivent des amendes en rentrant chez elles le lendemain matin, car elles dépassent encore la limite du taux d’alcool dans le sang autorisé. Il faut en moyenne une heure à l’organisme humain pour évacuer une unité d’alcool (une unité représentant environ une demi-pinte de bière ou une mesure de spiritueux) : on comprend donc aisément pourquoi la limite peut être encore supérieure le lendemain matin, en particulier si l’on a beaucoup bu la veille et si l’on vit dans un pays à tolérance zéro (c’est-à-dire où le taux d’alcool dans le sang autorisé au volant est de zéro).
Pourtant, la grande majorité des gens pris en état d’ébriété au volant le lendemain d’une soirée arrosée ne se sentent pas ivres. C’est là tout le problème. Les personnes qui ont encore de l’alcool dans le sang le lendemain d’une soirée arrosée sont en état d’ébriété physique, mais n’ont en revanche plus aucun sentiment de détente mentale induite par l’alcool.
Cet exemple montre la manière dont l’ivresse du corps et la sensation de détente de l’esprit se déroulent à des vitesses différentes, l’effet d’ébriété durant plus longtemps que l’effet relaxant. Il s’agit d’un exemple extrême, car exacerbé par plusieurs heures de non consommation d’alcool sous la forme d’une nuit de sommeil. Cependant, le même effet se produit alors même que nous sommes en train de boire.
Supposons que vous alliez à une soirée. C’est cool, une soirée, mais les interactions sociales s’avèrent parfois un peu angoissantes. Vous prenez un verre, ce qui anesthésie votre éventuelle nervosité : résultat, vous vous sentez beaucoup plus désinhibé, à l’aise. Vous voilà donc détendu à hauteur d’un verre, et également enivré à hauteur d’un verre. Cependant, l’effet relaxant ne tarde pas à disparaître, et vous vous sentez à nouveau un peu nerveux. Pas de problème, vous prenez un autre verre. Mais, bien que l’effet relaxant se soit dissipé, l’ivresse, elle, est toujours présente dans votre organisme : vous êtes désormais détendu à hauteur d’un verre, mais enivré à hauteur de deux verres. Encore une fois, l’effet relaxant finit par s’estomper et la sensation de nervosité refait surface, alors vous buvez un autre verre. Vous êtes maintenant à trois verres en termes d’ivresse physique, mais toujours à un seul en termes de détente mentale. Au fur et à mesure de la soirée, l’ivresse ne cesse d’augmenter tandis que vous continuez à courir après la sensation de détente.
La réaction physiologique à l’alcool
Le corps humain a besoin d’un état interne relativement stable. Cet équilibre délicat des fonctions biochimiques et physiologiques est contrôlé par le cerveau, qui possède sa propre réserve de protéines et d’hormones qu’il utilise selon les besoins (comme l’adrénaline, par exemple). L’alcool étant un dépresseur (c’est-à-dire un médicament qui réduit, « déprime » l’activité fonctionnelle ou nerveuse), il perturbe cet équilibre physiologique interne, de sorte que le cerveau cherche à le compenser en sécrétant des stimulants qui contrent les effets dépressifs de l’alcool. L’alcool commence alors à s’estomper, mais les stimulants restent, ce qui nous rend nerveux, anxieux.
Ainsi, lorsque vous buvez de l’alcool, vous ne passez pas de la détente de l’esprit à la normale : il y a une période intermédiaire d’inquiétude et d’anxiété, correspondant à l’excès de stimulants avant le retour à la normale. C’est pourquoi tant de gens ont le sommeil perturbé après avoir bu, même un ou deux verres seulement. Ce sont les stimulants qui entraînent cette perturbation du sommeil.
La question était : pourquoi boit-on plus qu’on le voudrait ? Pour résumer ma réponse : toute boisson génère un sentiment d’anxiété en s’estompant, que l’on compense par un sentiment de détente à l’aide d’un autre verre. Tandis qu’on recherche constamment cette sensation de détente de l’esprit, le corps est de plus en plus enivré.
Pour plus d’informations sur l’alcool et ses effets, vous pouvez lire gratuitement les 5 premiers chapitres de Alcohol Explained (l’alcool expliqué) en cliquant ici : Alcohol Explained, 5 premiers chapitres